Le Roman-feuilleton
La Vieille fille de Balzac est le premier roman à paraître en feuilleton dans la presse généraliste française. Émile de Girardin venait de lancer La Presse et cherchait de nouvelles formes d'écritures pour attirer un plus grand lectorat. La Vieille fille est diffusée du 23 octobre au 4 novembre 1836. L'œuvre rencontre un succès "de scandale" : de nombreuses lettres se plaignent de l'immoralité de ce court roman réaliste.
La notion de "roman-feuilleton" émerge très progressivement. Si après 1836, les journaux publient de plus en plus de textes littéraires, cette pratique n'est pas encore pensée comme un genre spécifique. On commence à annoncer les feuilletons à partir de 1839. La promotion devient systématique le 1er décembre 1844 avec la parution du texte « Programme littéraire » qui défend le genre :
Le roman-feuilleton autant la presse que la littérature : d'un côté, il contribue à élargir le lectorat (qui atteint 30 000 abonnés pour La Presse ou Le Siècle), de l'autre la littérature se mue en production industrielle, diffusée à grande échelle, qui annonce les industries culturelles de la seconde moitié du XIXe siècle.
Au début la forme n'est pas fixée : La Vieille Fille de Balzac se trouve ainsi dans Variétés. Avant 1839, le feuilleton accueille surtout des nouvelles courtes alors que les romans ont la primeur des Variétés. Après 1875, la durée du roman-feuilleton s'étend sur quatre à six mois. L'influence des autres écritures journalistiques est considérable. Signe de l'inscription dans une publication dominée par l'"actualité" temporalité est sur-accentuée (cf. feuilletons de La Presse du 4 février 1840). Les transferts sont patents avec un genre comme le fait divers : pour décrire le meurtre de l'auberge caderousse dans le Comte de Monte-Christo, Dumas s'inspire des Mémoires tirés des archives de la police de Paris.
La circulation des romans-feuilletons est mondiale pendant les années 1840. Les Mystères de Paris d'Eugène Sue est repris et imité presque partout en Europe aux États-Unis ou en Amérique Latine.
Première forme de littérature industrielle diffusée à grande échelle, le roman-feuilleton va influencer de nombreuses formes d'art emblématiques de la culture de masse. Les premiers "feuilletons" cinématographiques en reprennent ainsi les codes à l'image de Fantômas :